BOLIVIE - Pollution, maladies et déboisement sont quelques unes des conséquences que l’extraction minière fait subir aux communautés indiennes du fleuve Madre de Dios

CEJIS

vendredi 17 juin 2022, mis en ligne par Françoise Couëdel

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

3 avril 2022 - La contamination des eaux des lagunes et des ruisseaux et les maladies qu’elle entraîne chez les populations des communautés ne sont que quelques-uns des effets que la pollution minière, due à l’extraction de l’or sur le fleuve Río Madre de Dios, qu’elle soit légale ou illégale, à Pando, inflige aux communautés qui habitent sur le Territoire indien multiethnique (TIM II). [1]

« Nombreux sont ceux qui tirent leur subsistance des fleuves. En ces mois de janvier et février les eaux inondent les terres et, lorsqu’elles baissent les poissons pénètrent dans les lagunes et les ruisseaux ; les gens pêchent ces poissons, contaminés par la pollution qui engendrent des maladies, particulièrement chez les enfants : des diarrhées, des vomissements, de la fièvre, des infections intestinales. Quand nous consultons un médecin il fait d’abord un diagnostic et nous demande ce que nous avons mangé et nous lui racontons. Puis il nous examine attentivement et nous dit que c’est probablement à cause de ce que nous avons mangé », a écrit le secrétaire à l’éducation du TIM II, à Pando, Juan Queteguary.

Le TIM II se situe dans l’Amazonie nord de la Bolivie, entre les départements du Beni et de Pando. Il s’étend sur les 408 592 hectares attribués aux peuples Tacana, Cavineño et Ese Elija, organisés en 36 communautés. Ces dernières années le territoire indien a été menacé par l’implantation de projets extractifs, de mines et d’hydrocarbures, et par des projets de développement et d’infrastructures.

Face à ce scenario les autorités du TIM II se sont réunies le jeudi 31 mars à Riberalta, Beni, pour prendre connaissance des résultats de l’étude sur l’exploitation de la mine alluviale qui se développe sur le fleuve Madre de Dios, étude effectuée par le Centre d’études juridiques et de recherche sociale (CEJIS), au cours de l’année 2021. Elles ont visité le territoire et consulté les études de laboratoire pour déterminer l’impact que fait subir à la population des rives du fleuve cette activité extractive.

« Nous pouvons affirmer que les impacts sont nombreux : la pollution de l’environnement, la modification des berges du fleuve inondées, l’infection des animaux et des poissons, l’extraction de bois sur les berges inondées par les eaux du fleuve Madre de Dios », déclare Queteguary à l’Observatoire des droits des peuples indiens (ODPIB) qui dépend du CEJIS.

Pour ce qui est de la pollution de l’air, l’autorité du TIM II a expliqué qu’elle est plus importante en période de sécheresse : les communautés sont envahies par des fumées et des mauvaises odeurs que dégagent le combustible, l’huile et le mercure que les dragues de la mine envoient à la surface et dans le fleuve même « voilà le problème que nous avons pour ce qui est de l’air que nous respirons » a signalé l’autorité.

Conséquence de la hausse des prix des minerais (surtout de l’or) l’activité minière alluviale a connu une augmentation sur le fleuve Madre de Dios. L’étude communiquée par le CEJIS indique que, selon les informations de l’Autorité juridique administrative minière (AJAM), en 2021, au sein de TIM II, deux autorisations pour développer l’activité extractive ont été obtenues de façon légale avec utilisation de radeaux. Néanmoins, selon l’étude sur le terrain, sur unes longueur du fleuve de 172 kilomètres, on a compté 180 radeaux en fonctionnement dont 14 se situent à l’intérieur de la zone autorisée par les autorités et 166 à l’extérieur.

De son côté, la présidente du TIM II, Mireya Ino, a indiqué qu’en plus d’affecter la santé et l’environnement, les entreprises minières n’ont « jamais » consulté pour ce qui est du développement de l’activité extractive au sein du territoire, alors que la Constitution politique de l’État leur garantit le droit à une consultation préalable, libre et documentée, concernant toute activité qui prétende être développée sur leurs territoires et qui soit susceptible de les affecter.

« Jamais, ni une invitation, ni une rencontre : elles ne tiennent pas compte de nous en tant que TCO. Elles font leur travail en passant outre et cela n’est pas récent, cela fait longtemps qu’elles opèrent sur le fleuve Madre de Dios » a-t-elle déclaré aux autorités.

Selon la Corporation minière de Bolivie (COMIBOL), le fleuve Madre de Dios est considéré comme le district aurifère le plus étendu de Bolivie. L’activité minière qui se développe sur ses eaux et ses affluents est considérée comme artisanale et à petite échelle, compte tenu de l’usage d’une technologie primitive et à petite échelle qui engendre des dommages considérables sur l’environnement et porte atteinte aux droits fondamentaux des peuples indiens qui vivent dans ce secteur.

L’Association des balseros Madre de Dios (ASOBAL Pando) est la principale association d’exploitation aurifère dans la région et est gérée par la Coopérative minière aurifère Madre de Dios, qui a récemment demandé l’extension des aires d’exploitation sur ce fleuve et d’autres dans l’Amazonie au nord du pays.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.cejis.org/contaminacion-enfermedades-y-deforestacion-son-algunos-efectos-que-la-extraccion-minera-deja-en-comunidades-indigenas-del-rio-madre-de-dios.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteurs ou autrices. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis. AlterInfos est un média pluriel, avec une sensibilité de gauche. Il cherche à se faire l’écho de projets et de luttes émancipatrices. Les commentaires dont la perspective semble aller dans le sens contraire de cet objectif ne seront pas publiés ici, mais ils trouveront sûrement un autre espace pour le faire sur la toile.