Les auteurs de l'exposition De la pampa aux Andes, deux itinéraires en Argentine et en Bolivie

François Carré

Drômois de cœur depuis près de trente ans, j’ai fait ma scolarité dans le Diois, puis des études d’histoire à Grenoble et à Lille. Après un Service Volontaire Européen de six mois en Aragon et quelques expériences associatives, cinématographiques et internationales, je suis devenu en 2007 bibliothécaire à la médiathèque la Passerelle de Bourg-lès-Valence. De nombreux voyages dans toute l’Europe m’ont donné le goût de l’évasion, et en 2008 j’ai choisi de changer de continent et de m’envoler vers l’Argentine - pays qui m’a toujours attiré, non seulement pour son exotisme des antipodes, mais aussi sans doute à cause de mon intérêt pour la littérature sud-américaine et son « réalisme fantastique ». Buenos Aires, Chilibroste, Mendoza, Cordoba : voici les lieux que j’ai pu visiter le long de cet aller-retour de trois semaines qui m’a fait traverser le pays d’est en ouest dans sa zone tempérée, de l’estuaire du Rio de la Plata jusqu’aux Andes et à la frontière chilienne. Apprenti écrivain et photographe à mes heures, je ne pouvais pas manquer cette occasion de me remplir la tête d’images, de paroles et d’impressions nouvelles.  

Vincent Paltera

Vincent est un ami de longue date puisque nous étions dans la même classe au collège et au lycée de Die. Musicien et compositeur autodidacte, guitariste et chanteur accompli, il se sentait en mal d’aventure lorsque pendant l’été 2008 je lui ai parlé de mon futur voyage. Il ne parlait pas espagnol, mais s’est dit qu’en m’accompagnant sur une partie de mon chemin il pourrait prendre le temps de se familiariser avec l’Amérique du Sud... jusqu’à y tracer une route bien plus longue que la mienne, puisque pour sa part il y est resté quatre mois ! Avant de repartir vers Buenos Aires, je l’ai laissé à Cordoba en compagnie de gens rencontrés là-bas, et par la suite il est donc allé jusqu’en Bolivie, d’où il a rapporté ces magnifiques photos que j’ai eu à cœur de joindre à mon exposition.

L’intérêt de cette dernière réside donc non seulement dans la valeur en soi de chacun de ces deux regards différents, mais aussi dans leur mise en perspective l’un par rapport à l’autre. Que voit-on en premier, qu’est-ce qui frappe le plus le regard et l’imagination lorsqu’on arrive - et qu’on ne fait que passer - dans une grande ville animée comme Buenos Aires, dans un minuscule village de la pampa comme Chilibroste ? Que peut bien être l’exotisme dans un pays comme l’Argentine, où une culture qui se revendique plus européenne que nature se trouve transplantée dans des espaces gigantesques aux saisons inversées, peuplés d’une faune et d’une flore si différentes, dans un cadre qui offre à cette culture comme une immense Espagne ? Ce sont les questions auxquelles je me suis confronté au cours de ce voyage, qui avait toute la saveur éphémère et un peu frustrante du congé payé qu’il était... tandis que Vincent, une fois que nos routes se sont séparées, a pu entrer dans une autre dimension : que découvre-t-on, une fois que l’on trace son chemin au hasard des rencontres, hors des sentiers battus ? Comment apprend-on, en même temps que leur langue, à partager le quotidien, les préoccupations des gens ? Comment ressent-on le passage d’un pays à l’autre, à quel moment change-t-on vraiment de monde entre la « blanche » Argentine et la Bolivie, pays andin peuplé à 80% d’Amérindiens où vit encore la langue quechua et le souvenir de l’empire inca ?

Santiago Chilibroste

Un troisième personnage a eu son importance dans cette aventure, et je ne pouvais  manquer de lui adresser un clin d’œil. Santiago est argentin et artisan en vitrail - un métier, un talent qui se font rares de nos jours. Je l’ai rencontré en août 2008, dans le Diois où il réside une partie de l’année. J’avais alors déjà prévu de partir en Argentine, mais il m’a offert un but de voyage supplémentaire et un point de chute en me parlant de sa famille qui vit à Buenos Aires, et de ce village de la province de Cordoba qui porte le même nom que lui : Chilibroste. Ses ancêtres, des Basques français émigrés, ont fondé ce village il y a 150 ans et l’ont quitté dans les années 1950. Il y a quelques années, Santiago a retrouvé ce village. Il a réalisé un vitrail pour orner la façade de son église ; la municipalité, intéressée par son travail (et désireuse de s’ouvrir au tourisme, pour rompre avec son isolement de riche communauté agricole un peu perdue au milieu de ses milliers d’hectares de pampa), lui a proposé un prix intéressant pour une grande maison de plain-pied au milieu du village. Enthousiasmé, Santiago a décidé d’y installer un atelier de vitrail et d’y vivre la moitié de l’année, en accueillant amateurs et apprentis désireux de s’initier à son art. Je suis allé à Chilibroste avec Vincent, alors que ce projet n’en était encore qu’à ses balbutiements, mais entre-temps la maison de Santiago a bien changé et le petit village connaît une nouvelle vie... je tenais donc à faire connaître son histoire autour de moi, pour le remercier de m’avoir donné une occasion de découvrir une autre Argentine, rurale et authentique, hors des circuits touristiques traditionnels.