PÉROU - Les monocultures détruisent les forêts amazoniennes

Des milliers d’hectares de forêts primaires sont abattus pour permettre la culture du palmier à huile.

90% de la déforestation des forêts amazoniennes péruviennes s’explique par le changement d’usage des sols destinés à l’agriculture et l’élevage affirment des experts et des associations environnementalistes. Des rapports récents et des reportages ont révélé que les gouvernements de Loreto et Ucayali, dans l’est du pays, ont vendu comme terres agricoles des milliers d’hectares de forêts primaires, à des prix dérisoires, destinés à la culture du palmier à huile.

Selon la Société péruvienne d’écodéveloppement (SPDE) « des consortiums d’entreprises avec un intérêt et des investissements dans la culture du palmier à huile acquièrent des terres agricoles en faisant des offres à de petits agriculteurs pour les obliger à vendre leurs terres, en occupant certaines zones et en négociant directement avec des fonctionnaires publics ».

« Le ministère de l’agriculture et de l’irrigation (MINAGRI) et les gouvernements régionaux de Loreto et de Ucayali continuent à encourager la déforestation pour l’implantation de palmiers à huile grâce à l’adjudication de forêts comme des zones exploitables, la requalification de terres forestières en surfaces à usage agroindustriel, des autorisations de changement d’usage des sols et l’approbation d’études d’impact environnemental pour des projets agroindustriels », constate la SPDE.

D’après le MINAGRI, 600 000 hectares de forêt péruvienne peuvent se prêter à la culture du palmier à huile. À l’heure actuelle, ont déjà été plantés en palmiers environ 60 000 hectares, concentrés dans les départements amazoniens de Huánuco, Loreto, San Martín et Ucayali.

Cependant, les autorités péruviennes ne prennent pas en compte les effets de ces cultures sur l’environnement.

L’étude « Potentiels impacts environnementaux et sociaux de l’implantation de cultures de palmier à huile dans le département de Loreto » publié en 2012 par la Société péruvienne de droit environnemental (SPDA) affirme que la disparition des forêts dues à l’implantation de la monoculture du palmiers à huile a, de toute évidence, de sérieux impacts sur la biodiversité. La flore et la faune ne se réinstallent pas dans les plantations qui se substituent aux forêts. Il existe, en outre, des risques de pollution des ressources en eau par les intrants chimiques et les pesticides utilisés pour ces opérations d’agriculture industrielle.

Usage agricole

Dans un entretien publié dans le bulletin d’information Actualité environnementale de la SPDA, Juan Luis Dammert, l’un des auteurs de l’étude, explique que « le palmier à huile est une monoculture très rentable. Elle peut constituer une culture de substitution à la culture de la feuille de coca. Cela pourrait alors être une production intéressante. Mais l’idée n’est pas de transformer des forêts primaires [espaces de forêt naturelle, connu aussi sous le nom de forêt vierge, dans lesquels il n’y a pas eu intervention humaine] en terres de monoculture du palmier, pas plus qu’on ne doit exploiter pour l’agriculture des terres qui sont qualifiées de forestières ».

Un des arguments les plus employés par les entreprises et les autorités locales pour promouvoir cette culture, selon les enquêtes de la SPDA, est que « la progression du palmier à huile semble limitée si on la compare à celle que connaissent la Colombie, l’Équateur et le Venezuela, où on estime que les surfaces représentent respectivement 300 000, 200 000 et 70 000 hectares ».

Selon cette logique, « le Pérou, malgré sa superficie importante de forêts, est en retard pour ce qui est de la production d’huile de palme. Plus encore, le Pérou est déficitaire pour les huiles d’environ 75%, raison pour laquelle le développement de cette culture est considérée comme un élément de sécurité alimentaire nationale », indique le rapport.

Un reportage diffusé le 10 août dans le cadre du programme Panorama, transmis par la Télévision panaméricaine, a révélé que la Direction de l’agriculture du gouvernement régional de Ucayali a vendu à l’entreprise Plantations Ucayali près de 5 000 hectares de forêt qui, du fait de leur classement en forêt vierge, sont considérés comme patrimoine de la nation. Le prix payé par l’entreprise s’élève à 0,04 dollars le mètre carré.

« Le processus de décentralisation permet aux gouvernements régionaux de vendre sans exiger de l’acheteur les permis de déboisement ou les études d’impact environnemental qui attesteraient que l’exploitation agricole ne se fera pas au détriment de l’écosystème », indiquait ce reportage.


  • Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3301.
  • Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
  • Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 8 septembre 2014.




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